Les Verts pleurent Rachid Mekhloufi
Rachid Mekhloufi, figure emblématique du football français et algérien, est décédé à l’âge de 88 ans. Son parcours exceptionnel fait de lui l’un des plus grands joueurs de l’histoire de l’Algérie, mais également un symbole de l’engagement politique et social durant une période troublée.
Né à Sétif en 1936, Mekhloufi a été témoin, dès son jeune âge, des violences qui ont secoué l’Algérie française. Les événements tragiques du 8 mai 1945, marqués par des manifestations réprimées dans le sang, ont laissé une empreinte indélébile sur sa mémoire. Son père, policier, souhaitait qu’il se concentre sur ses études, mais le jeune Rachid a rapidement trouvé sa passion dans le football, jouant pour l’USM Sétif. À seulement 18 ans, il a été recruté par l’AS Saint-Étienne, où il a commencé à se faire un nom.
En 1957, Mekhloufi a joué un rôle déterminant dans le premier titre de champion de France de l’ASSE, inscrivant 25 buts au cours de la saison. Ses performances remarquables lui ont également valu d’être sélectionné en équipe de France, où il a porté le maillot bleu à quatre reprises. Cependant, alors que la question de l’indépendance algérienne prenait de l’ampleur, Mekhloufi a dû faire face à un choix difficile.
En avril 1958, il a pris la décision audacieuse de quitter la France pour rejoindre l’équipe de football du FLN, qui luttait pour l’indépendance de l’Algérie. Cette évasion, orchestrée avec d’autres joueurs, visait à créer une équipe qui représenterait l’Algérie sur la scène internationale. En rejoignant le FLN, Mekhloufi a choisi de défendre les valeurs de son pays natal, alors que celui-ci était encore sous domination coloniale.
L’équipe du FLN a connu des débuts tumultueux, confrontée à des pressions internationales, notamment de la part de la FIFA, qui ne reconnaissait pas cette sélection. Malgré ces obstacles, Mekhloufi a participé à plus de 80 matchs, affrontant des équipes provenant de pays sympathisants avec la cause algérienne. Bien que les enjeux sportifs aient été limités, cette expérience a profondément marqué sa vie, lui permettant de grandir en tant qu’homme et citoyen engagé.
Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, Mekhloufi a vu sa carrière prendre un tournant. Bien qu’il ait été un joueur de premier plan en France, il a décidé de ne plus porter le maillot tricolore, affirmant que son identité s’était redéfinie. En 1963, la Fédération Française de Football a levé les sanctions qui pesaient sur les joueurs exilés, permettant à Mekhloufi de revenir jouer en France. Il a retrouvé l’ASSE, où il a poursuivi sa carrière avec succès, ajoutant deux nouveaux titres de champion de France à son palmarès en 1967 et 1968.
Son retour à l’ASSE a été marqué par des performances exceptionnelles, avec 85 buts inscrits en 217 matchs. L’année 1968 a été particulièrement mémorable, car il a contribué à la victoire de l’ASSE en Coupe de France, inscrivant deux buts lors de la finale contre Bordeaux. Ce succès a été salué par le président de Gaulle, qui a reconnu l’importance de Mekhloufi et de ses coéquipiers pour le football français.
Rachid Mekhloufi n’était pas seulement un joueur talentueux, mais également un homme de principes. Son engagement pour l’indépendance de l’Algérie et son choix de représenter son pays plutôt que de se conformer aux attentes de la France coloniale font de lui une figure respectée et admirée. Son héritage perdure non seulement à travers ses exploits sportifs, mais aussi à travers son engagement pour la justice et l’égalité.
Toute la vie de Rachid Mekhloufi illustre les luttes et les aspirations d’une génération de footballeurs algériens qui ont su transcender le sport pour défendre des valeurs fondamentales. Son décès marque la fin d’une époque, mais son impact sur le football et sur l’identité algérienne restera gravé dans les mémoires. Mekhloufi a su allier passion pour le football et engagement politique, faisant de lui une légende vivante, tant sur le terrain que dans le cœur des Algériens.